Quel délai ?
Comme le coût d’une intervention, le délai de sa réalisation est une question qui revient régulièrement.
Depuis l’avènement de la photo numérique et pendant des décennies, le matériel argentique était considéré comme désuet et obsolète. Énormément de matériel a été détruit ou abandonné et des milliers d’ateliers de réparation ont mis la clef sous la porte.
Heureusement que de nombreux amateurs, des professionnels, des collectionneurs et de grandes écoles du monde entier (d’autant plus reliés aujourd’hui par les réseaux sociaux et Internet) ont continué à faire vivre ces techniques et ces outils.
Aujourd’hui, de plus en plus d’utilisateurs d’appareils numériques s’interrogent sur leur propre pratique de la Photographie. Ils goûtent aux joies incommensurables du réglage manuel du couple vitesse/diaphragme et certains même de l’odeur de l’hyposulfite ou de l’ambiance des lampes inactiniques des laboratoires.
La conséquence immédiate de ce regain est que de nombreux appareils réapparaissent après avoir passé de très longues périodes en sommeil dans des placards sombres, des caves ou des greniers. Quand ce n’est pas celui de son enfance ou d’un parent aujourd’hui disparu, c’est l’appareil auquel on a toujours rêvé (et que l’on ne pouvait pas s’offrir à l’époque) que l’on s’achète alors, fébrile, dans un vide grenier ou sur Internet.
Se pose ensuite la question de la révision ou de la restauration de tous ces beaux équipements.
Entre à ce moment-là en scène les quelques ateliers de réparation de matériel argentique qui ont échappé au démantèlement de toute cette industrie.
Même si quelques passionnés commencent à sortir la tête hors de l’eau et seront peut-être un jour en capacité de reprendre le flambeau, force est de constater que les ateliers qui savent réparer parfaitement les appareils argentiques se font rares dans le monde et beaucoup de techniciens poursuivent leur activité au-delà de l’âge de la retraite. La pression est alors énorme sur ces derniers « dinosaures » !
Et c’est là que se pose la question du délai.
Réaliser l’intervention la plus parfaite possible prend souvent du temps. De plus, il n’est pas toujours possible de prévoir tous les défis qui surviendront lors d’une nouvelle réparation. Sur un matériel de 50 ans et plus, un problème imprévu peut vite arriver, puis un autre, puis d’autres encore qui se succèdent… et votre emploi du temps est vite totalement bouleversé ; la liste s’allonge et les clients “pestent” (heureusement c’est rare !). La restauration d’un ancien équipement nécessite de la patience, de la minutie, de la sérénité et une volonté indéfectible d’accepter les revers qui affectent le temps nécessaire à la réalisation des travaux. Et je ne parle même pas des aléas de la vie qui sont les mêmes pour nous tous…
Il n’est pas rare que les ateliers réputés qui travaillent dans « les règles de l’art » (comme on dit), aient une file d’attente de plusieurs mois.
Certains spécialistes qui font des miracles sur des équipements très compliqués peuvent avoir plus d’une année de réservation ; et parfois autant en délai supplémentaire une fois le matériel en atelier. C’est dire l’ampleur du problème quand il s’agit de réveiller un matériel dont (souvent) la marque a disparu, la documentation technique et l’outillage spécialisé ont été passés au pilon ou se sont dispersés au point d’être introuvables et les fabricants de pièces de rechange neuves n’existent plus ou sont eux-mêmes complètement débordés de travail.
Il faut alors beaucoup d’ingéniosité, de débrouille, un bon réseau et l’expérience d’un artisan passionné pour réveiller de superbes mécaniques ou des optiques admirables.
Si tous les réparateurs s’accordent à dire qu’ils comprennent l’impatience des heureux utilisateurs de ces appareils finalement indémodables, le temps qui passe n’est pas le paramètre principal dans une activité qui demande beaucoup d’attention. Si on souhaite que les réparations soient pérennes, il est impossible de travailler vite.
Il faut donc se résigner et prendre son mal en patience.
Pour ma part, certains appareils sont traités sous une dizaine de jours. Plus généralement, le délai moyen est de 4 à 6 semaines. Mais il ne faut pas éluder le fait que certains appareils (dont il faut parfois faire refabriquer des pièces ou qui font des maladies chroniques) puissent rester en attente d’une solution pendant des mois et parfois beaucoup plus longtemps.
Les matériels remis en forme sortent de l’atelier les uns derrière les autres. Certains restent quelques heures sur l’établi et d’autres beaucoup plus longtemps… Si je bloque sur un problème ou bien si je cherche des pièces, je passe à autre chose et la finalisation arrive plus tard. Parfois beaucoup plus tard !
Je me mets naturellement volontiers à la place de mes clients qui s’impatientent… Mais en la matière, la précipitation n’est jamais gage de qualité !
Si les utilisateurs ne supportent pas d’attendre, les techniciens les plus sollicités (souvent les plus aguerris et réputés) finissent par baisser les bras. Ils abandonnent ou se recentrent exclusivement sur les interventions les plus rentables et les moins pénibles.
Un travail bien fait prend du temps, il demande beaucoup d’énergie, de remise en question et de savoir faire. Le temps qui passe reste alors un des facteurs qui contribuera finalement à augmenter la joie de voir renaître un bel appareil ; dans un état de fonctionnement égal à celui de l’époque où il a été fabriqué.